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La sobriété énergétique ne doit pas freiner l’innovation et le désir d’entreprendre, mais les encourager

La sobriété énergétique ne doit pas freiner l’innovation et le désir d’entreprendre, mais les encourager

Le maître-mot de cette rentrée est la sobriété, alors que le doute s’installe quant à notre résilience énergétique pour l’hiver. Malgré ce contexte, il est vital de soutenir l’innovation et les entrepreneurs qui la produisent, selon Guillaume Cairou, président de la Chambre de commerce et d’industrie des Yvelines et vice-président de la CCI Paris Île-de-France.

“Économie de guerre”, inflation, Conseils de défense… Une fois de plus, le pays est gouverné par temps de crise. Petit à petit depuis 2008, nous avons été habitués à une parole publique employant un vocabulaire restreint et grave, allant de “crises” en “guerres”, en passant par les “états d’urgence”. Après le terme de “couvre-feu”, connu jusqu’alors en seul temps de conflit armé, voici exhumé celui de “rationnement” à propos du potentiel manque d’énergie cet hiver.

Dans cet environnement anxiogène, il est cependant une communauté qui croit encore en l’avenir, et qui a toujours œuvré pour construire ce dernier : la communauté des entrepreneurs. Ce sont eux, les premiers acteurs des transitions fondamentales nécessaires à notre société : les transitions écologique, numérique, et désormais énergétique. Ce sont également eux qui sont les premiers concernés par le risque de pénurie de gaz et d’électricité, sans parler des effets de l’envolée des prix sur leur activité.

Sobriété énergétique oui, frilosité entrepreneuriale, non

Il est bien sûr normal que les entreprises aient à prendre leur part dans l’effort de sobriété énergétique que les circonstances exigent. Mais n’oublions pas qu’une fois l’hiver passé, ce sont aussi elles qui relanceront notre économie, permettront de respecter nos engagements en faveur du climat et maintiendront notre pays dans le cercle des plus grandes puissances du monde. S’il faut dès lors accepter quelques degrés en moins sur les lieux de travail, nous ne devons pas nous résigner à la frilosité en matière d’innovation et d’entrepreneuriat.

Or force est de constater qu’à l’heure actuelle, le sujet pourtant majeur de la préservation de l’esprit créatif à la française passe à la trappe. Certains cherchent des coupables susceptibles d’expliquer l’insuffisance dorénavant criante de notre politique énergétique depuis vingt ans, au moyen s’il le faut d’une commission d’enquête parlementaire. Mais ressasser le passé uniquement ne bâtit pas le futur. D’autres vantent le projet de taxer les “surprofits” réalisés par des entreprises ayant “profité de la crise”, saluent l’initiative de la Commission européenne en ce sens et s’indignent que la France n’en fasse pas autant. Mais juger sans analyser tous les tenants et aboutissants d’un sujet ne bâtit pas davantage le futur.

Et pendant ce temps, combien de projets entrepreneuriaux sont avortés ? Si la promotion de l’innovation avait trouvé un écho au sortir de la crise sanitaire, cette dernière semble reléguée à un plan bien moindre dans le cadre de la crise énergétique que nous vivons. Pire, la tendance du moment se nomme “quiet quitting”, ou comment les salariés mécontents de leur travail actuel devraient n’effectuer que le minimum syndical, au lieu de se lancer dans l’entrepreneuriat !

La “Grande Démission”, qui devait débarquer en France depuis les États-Unis n’a, en fin de compte, pas eu lieu. Cela ne constitue pas pour autant une raison suffisante pour se satisfaire de l’insatisfaisant. Alors qu’en 2021, dans un pays durement éprouvé par l’épidémie de Covid-19, nous avions enregistré un record de créations d’entreprises – quasiment un million ! -, ne laissons pas un an après l’entrepreneuriat sombrer au nom de l’impératif de sobriété. Bien au contraire, seule l’innovation nous assurera un modèle de société sobre et durable. À condition d’être – dès aujourd’hui – profondément repensée, avec les entrepreneurs au centre d’un écosystème à refonder.

Repenser la recherche et la formation, clés de l’innovation

Une mutation rapide de notre modèle de production de l’innovation s’avère en effet nécessaire. Deux chantiers prioritaires se dessinent : d’abord, le décloisonnement de l’activité de recherche ; ensuite, la formation de travailleurs qualifiés dans les domaines d’avenir. En comparant la France à nos partenaires économiques, l’enclavement de notre recherche est flagrant. Des rapprochements réussis entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche existent toutefois, à l’image du cluster d’innovation de Saclay, en région parisienne, vitrine de l’excellence française. Pour nous mettre au niveau des leaders en la matière, cette synergie gagnerait à investir l’ensemble de nos territoires en misant sur les richesses propres à chacun d’entre eux.

La recherche appliquée, commandée par les entrepreneurs, pensée dans un périmètre bien délimité et avec un objectif atteignable à court ou moyen terme, est également à favoriser. Et les sujets ne manquent pas : l’énergie bien sûr, mais aussi la défense, l’agriculture, l’agroalimentaire, la santé, tout ce qui garantira à la fois souveraineté et sobriété à notre pays. Ces écosystèmes territoriaux seraient légitimement pilotés par les premiers acteurs du changement, à savoir les entrepreneurs eux-mêmes, qui devraient peser bien plus qu’aujourd’hui dans la direction de ces établissements. Le réseau des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) jouerait à leurs côtés son rôle traditionnel d’accompagnement et de conseil.

Mais favoriser l’innovation restant lettre morte sans mise en application de cette dernière, venons-en au second chantier de taille : la formation. Pays des paradoxes, la France en possède un à ce sujet : alors que, selon l’Ademe, la transition écologique sera créatrice de 540.000 emplois en 2030, voire 1 million d’ici 2050, principalement dans la rénovation thermique des bâtiments, seulement un jeune sur deux issu de la voie professionnelle trouve un emploi dans les deux ans. À l’aube d’une nouvelle réforme, osons en finir avec la culture du “diplôme à tout prix” et des grandes écoles. Assumons le besoin d’inciter les jeunes à se former aux métiers d’intérêt général et valorisons justement celles et ceux qui font le choix de se spécialiser dans les secteurs d’avenir.

Là encore, les CCI sauront assumer pleinement leur rôle de second opérateur de formations après l’Éducation nationale pour participer à cet effort. Quant aux “écoles du futur” annoncées par l’exécutif, elles ne seront véritablement “du futur” qu’en enseignant les matières stratégiques de demain, au premier rang le numérique. C’est en donnant envie, dès le plus jeune âge, d’embrasser une carrière professionnelle au service des mutations de notre pays que l’innovation et l’esprit d’entreprise perdureront, au-delà même de l’exigence immédiate de sobriété énergétique imposée par la situation internationale. Car ce sont bien nos jeunes qui réaliseront les objectifs ambitieux que nous nous fixons pour les décennies à venir.

Dans ce contexte à nouveau tendu, ne faisons pas rimer sobriété avec morosité. Sachons conserver le désir d’entreprendre et l’audace d’innover, pour penser un nouveau modèle de société et former ses futurs acteurs-clés.

Source : https://www.capital.fr/economie-politique/la-sobriete-energetique-ne-doit-pas-freiner-linnovation-et-le-desir-dentreprendre-mais-les-encourager-1448880