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«Gilets jaunes, laissez-nous travailler!» par Guillaume Cairou

«Gilets jaunes, laissez-nous travailler!» par Guillaume Cairou

«L’appel à la responsabilité de 3 millions et demi d’entrepreneurs, d’artisans, de commerçants et de travailleurs indépendants de France»

Depuis vingt semaines, nous vivons au rythme des samedis en jaune. Soyons clairs d’emblée : comme le président de la République, nous considérons ce mouvement de colère comme «légitime et juste ». Quatre mois après le début de cette fronde sociale, il faut d’ailleurs reconnaître que les messages sont passés ; des mesures ont été prises par les pouvoirs publics, 10 milliards débloqués.

Les entreprises ont d’ailleurs pris leur part de cet effort : plus d’un milliard d’euros de prime ont été versés aux salariés qui en avaient le plus besoin. C’était notre juste contribution à un effort national. L’Insee affirme que le pouvoir d’achat des Français s’en ressent positivementet c’est une bonne chose.

Mais maintenant, il est temps de se remettre au travail. Ne laissons pas les derniers rebelles, les anticapitalistes de tout poil – et de tous pays – qui ont pris le mouvement en otage, ruiner cette prise de conscience collective. Le blocage hebdomadaire doit cesser. On ne peut pas se réclamer de la liberté des uns, sans respecter celle des autres, notamment ceux qui participent à fabriquer de l’emploi, à faire tourner l’économie, à produire des biens et des services pour le plus grand nombre et à financer les cotisations sociales et les retraites. Si la contestation continue, alors nous courrons un risque fatal.

 

Facture salée. Depuis quatre mois, la paralysie à répétition des axes routiers et des centres-villes, les dégradations, parfois les saccages, ont eu de lourdes conséquences pour les artisans, commerçants, indépendants, TPE-PME, ETI, grandes entreprises dont nous portons la voix… Leurs activités économiques ont été désorganisées, fragilisées, voire détruites. Pas moins de 200 millions d’euros pour les seules dégradations en marge des manifestations, estime le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire.

Mais au-delà, l’impact direct et de court terme s’annonce très lourd. Quand le seul secteur de l’hôtellerie-restauration annonce une perte de 500 millions d’euros, on comprend que la facture globale sera salée, et pas seulement économiquement.

Ne nous cachons pas derrière nos petits doigts : dans la vraie vie, dans l’économie réelle, ce mouvement qui s’éternise va avoir des conséquences dramatiques. Il va se traduire par des fermetures d’entreprises et des destructions d’emplois. Lorsqu’on parle d’une facture de 4 milliards d’euros pour ces dix-neuf semaines de troubles, il faut bien entendre ce que cela signifie : ce sont près de 100 000 emplois qui sont menacés, c’est-à-dire l’équivalent de la population active d’une ville comme Lille ou Le Havre.

Et on ne parle pas seulement de chômage technique, mais bel et bien de suppressions de postes ! Des salariés vont connaître à leur tour cette précarité contre laquelle affirmaient justement lutter les Gilets jaunes, sans compter tous les indépendants dont la perte d’activité est déjà effective. Or, l’économie réelle, c’est celle qui permet à un territoire et ses habitants de vivre au quotidien. L’empêcher, l’entraver, la paralyser relève de l’irresponsabilité.

 

À l’inverse, prendre en compte le réel, c’est refuser les postures et les commentaires faciles, c’est s’engager pour le transformer. Comment ? En investissant dans une démarche durable, dans des biens et des services qui profitent à tous. En réinvestissant l’économie, loin des leçons de morale sur la valeur travail.

Sortir de l’impasse. Passé le grand débat, nous devons transformer les samedis de colère en solutions d’avenir. Partout sur les territoires, des femmes et des hommes ont des idées, des projets, des talents, des compétences pour contribuer à la transformation du réel. Ils sont entrepreneurs, salariés, indépendants, fonctionnaires… Tous aspirent à trouver leur place dans la marche du monde.

Dans une économie en transition, nous ne pouvons pas opposer Gilets jaunes et innovations. Mais il faut un préalable : l’envie d’un destin commun. Pour cela, partons de l’économie réelle. Permettons à tous d’y éprouver concrètement leur responsabilité. Pour que l’engagement de chacun prenne tout son sens dans « la vie de la cité », la politique. Ensemble, il nous faut bâtir ces nouveaux cadres, ces nouvelles médiations. Encore un effort ! Sans cela, la poursuite d’une contestation aveugle débouchera sur la violence. La laisser s’installer, c’est la voir nous ronger.

Tribune à retrouver sur www.lopinion.fr