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2020 : des résolutions ou une révolution

2020 : des résolutions ou une révolution

Guillaume Cairou, président du Club des entrepreneurs. Il appelle le gouvernement à répondre aux conflits sociaux – qui ont marqué 2019 et font largement l’actualité de ce début d’année 2020 – par une politique de l’emploi ambitieuse.

La dernière année fut marquée du sceau de la colère sociale et nous fit frôler le point de rupture. Oui, en 2019, la République a tremblé sur ses bases. En 2020, la réponse du Gouvernement doit traduire une vision à long terme : une politique d’emploi digne de ce nom, seule à pouvoir répondre aux inquiétudes des gilets jaunes et des contestataires de la réforme des retraites.

Une France qui ne réussit plus

Notre France est championne du monde de la fiscalité, ses prélèvements obligatoires culminant à 46 % du PIB. On aurait pu y voir l’idéal du modèle social français si nous ne stagnions pas au-delà de la 30e place des pays de l’OCDE pour l’éducation et le marché de l’emploi. Les gilets jaunes l’ont rappelé en faisant résonner le grondement d’une France brisée par les écueils de la mondialisation. Cette colère couvait depuis quarante ans, entre destruction d’emplois et sentiment de déclassement.

Malgré 8,6 % de chômage, les Français créent des entreprises : plus de 750 000 en 2019, un record. L’essor des plateformes et des nouvelles formes d’emploi traduit une transformation du travail. Malheureusement, ces mutations se font à la marge du Code du travail et de notre système de protection sociale. Dans ce contexte, les crispations autour de la réforme des retraites traduisent une France, y compris politique et syndicale, qui subit les transformations au lieu de les accompagner. Alors que l’impact de la transition numérique sur la justice sociale n’a été qu’effleuré par le gouvernement, des mesures fortes s’imposent pour reprendre le contrôle de notre destin.

Réussir les investissements d’avenir

Pour développer l’emploi, l’État doit investir dans la transition numérique. La clé, c’est l’Europe. Mais dans un paradoxe tragique, Bruxelles demande aux gouvernements de réduire leurs dépenses quand la Banque centrale européenne, qui injecte chaque mois des dizaines de milliards d’euros dans les marchés, les exhorte à investir dans l’économie réelle. Le projet de budget de la zone euro porté par Emmanuel Macron permettrait d’investir une partie des liquidités de la BCE vers l’emploi de demain, dans des domaines stratégiques tels que la santé, l’industrie, les mobilités, l’environnement ou les télécommunications. Mais le président de la République devra se munir d’un supplément d’âme pour convaincre une Allemagne réticente. À défaut, il devra prendre la décision unilatérale de faire investir directement l’État français, quitte à s’affranchir des prescriptions européennes. Alors il démontrera à l’Europe qu’un investissement n’est un déficit qu’à ceux qui manquent de vision.

S’attacher l’engagement de tous

Scellons un pacte national d’employabilité avec l’enseignement supérieur public et privé. Il mettrait à profit nos écoles pour former bénévolement des contingents de demandeurs d’emploi partout en France, dans des domaines définis conjointement par l’État, les collectivités et les entreprises. Cette obligation répondrait de la responsabilité sociale de notre écosystème éducatif et participerait à la solidarité intergénérationnelle que les Français ne demandent qu’à exprimer.

La société civile foisonne d’idées et de projets auxquels il faut donner de la visibilité. Comme la réserve citoyenne, l’État doit lancer une réserve de service social, composée des organisations et des individus prêts à s’engager pour le redressement de nos emplois. Parallèlement, l’État créera des plateformes d’utilité publique pour centraliser et valoriser les initiatives dédiées au futur de l’emploi ; elles centraliseront les opportunités de formation et de travail dans nos territoires, qu’elles soient portées par des entreprises, des écoles, des associations ou des particuliers.

Organiser un pilotage politique à hauteur des enjeux

Pour parvenir à nos objectifs, il nous faudra concentrer nos forces. Le secrétariat d’État au numérique apparaît comme le centre de pilotage idéal de ces transformations. Mais son périmètre d’action est aujourd’hui beaucoup trop restreint. Son pouvoir doit être étendu et ses priorités largement réorientées.

Au-delà de sa mission de soutien à l’innovation et aux start-up tricolores, il devra proposer chaque année les grandes orientations de la politique numérique, nouvelle politique publique de l’État. Il mettra en œuvre un plan dont la priorité sera l’emploi, notamment des catégories sociales les plus exposées au chômage dans les territoires les plus fragiles. Entièrement voué au futur de l’activité et à la nouvelle économie, le secrétariat d’État concentrera et pilotera les moyens actuellement dédiés dans les autres ministères.

Ces résolutions d’envergure doivent être prises d’urgence en rassemblant tous les Français autour d’un avenir désirable. Le Président de la République doit fixer un cap et rendre à notre peuple ce que les dernières décennies lui ont arraché : l’espoir et la certitude de construire l’avenir d’une France meilleure pour ses successeurs. Ce n’est certainement ni en usant d’arguments comptables ni en divisant les Français que le pouvoir parviendra à transformer le pays ; si le ton doit effectivement changer, il est aussi venu le temps des actes. Il y va de la grandeur de la France. Et de la survie de notre modèle social.

Tribune à retrouver sur le journal La Croix