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Qu’est-ce que les jours fériés ont fait au Medef ?

Qu’est-ce que les jours fériés ont fait au Medef ?

Le Medef a un plan pour créer un million d’emplois en France. Selon Les Echos, il s’agirait, entre autres, de supprimer deux jours fériés sur onze. En quoi une telle mesure favoriserait la croissance? Examen. 

Des « propositions chocs », titrent Les Echos. Si l’on croit le document de travail qu’a fait fuiter ce matin le quotidien économique, les pistes du Medef pour créer un million d’emplois en France méritent largement ce qualificatif: remise en cause des 35 heures, des seuils sociaux, du Smic, suppression de deux jours fériés sur onze, création de CDI temporaires, travail le dimanche… C’est le code du travail que l’organisation patronale s’apprête à dynamiter.

Halte là. Confronté à une levée de bouclier – « provocation » pour la CFDT, « outrance » pour FO – le Medef ne présentera son plan que la semaine prochaine, après le discours de Manuel Valls devant l’Assemblée nationale pour lui demander la confiance. Le Medef ne veut plus interférer dans cette « séquence politique ». Quant aux propositions, il ne s’agit que d’un « document de travail » qui « ne correspond pas exactement aux propositions que fera le Medef », a précisé l’organisation patronale. Contacté par L’Expansion, le Medef promet « un document de propositions sur des réformes de court et de moyen terme pour relancer l’emploi ». Et soutient vouloir lancer un « vaste débat », d’où la question du temps de travail annuel ne sera sans doute pas absente.

« Des évaluations fantaisistes »

Débat qui commence donc avec une semaine d’avance. Sur les jours fériés, par exemple, le Club des entrepreneurs se montre moins timide que le Medef et reprend le ballon à la volée: « Oui, restaurer la compétitivité passera par la suppression de certains jours fériés », déclare son président Guillaume Cairou dans un communiqué de presse. Il cite à l’appui une étude de l’Insee selon laquelle deux jours fériés dans une année pèsent 0,1 point de PIB, c’est à dire deux milliards. « Comment peut-on sérieusement espérer créer des richesses en accumulant des jours fériés? », se désole Guillaume Cairou. « Le vrai problème en France, c’est qu’on ne travaille pas assez. » Culpabilisant. D’autant que le Portugal, en pleine cure d’austérité, a fait le sacrifice de deux jours fériés en 2012.

Mais 0,1 point de PIB, c’est 10 fois moins que ce que promet le document de travail fuité par Les Echos, avec 100 000 créations de postes à la clef. Faut-il en conclure qu’il n’y a plus que 10 000 emplois à attendre? « Il faut arrêter les évaluations fantaisistes », tranche Gérard Cornilleau, rédacteur en chef à l’OFCE. « Augmenter le nombre de jours ouvrés fait théoriquement augmenter la production dans certains secteurs, mais cela au détriment d’autres, comme la restauration ou le tourisme, qui perdent des clients. » Et que penser du calcul de l’Insee? « 0,1% de PIB, c’est la marge d’incertitude. Je n’ai jamais observé que les années avec plus de ponts étaient plus problématiques que d’autres. » Pour l’économiste, la remise en cause des jours fériés est de nature idéologique: « On en revient à une confrontation brutale entre capital et travail. C’est un processus régressif, par lequel le capital, qui se sent fort, accroît la pression sur le travail. » Du Marx à l’envers, en somme.

Si on ne travaillait pas assez ?

Mais si, en France, on ne travaillait vraiment pas assez? « Aujourd’hui il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui sont en situation de produire plus. Ce n’est pas comme en 1946, où il fallait tout reconstruire », conteste Gérard Cornilleau. L’économiste élève une autre objection: « les 35 heures ont permis un assouplissement remarquable de la législation sur le temps de travail. Les entreprises ont bénéficié de plus de flexibilité pour organiser les horaires. » Une flexibilité devenue un avantage compétitif par temps de demande molle. A moins que le Medef n’ait en tête de revenir aux 39 heures en gardant la flexibilité des 35 …

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