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Le CICE n’a pas convaincu les patrons d’embaucher

Le CICE n’a pas convaincu les patrons d’embaucher

Nombre de dirigeants estiment que ce mécanisme a surtout servi à pallier les difficultés de leurs entreprises.

« Lorsque le dispositif du crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été annoncé, j’ai été enthousiaste », explique Guillaume Cairou, président du Club des entrepreneurs et patron de Didaxis, une société de prestations de services aux entreprises qui compte 2 500 salariés.

Deux ans après, son constat est plus désenchanté. « Le CICE nous a rapporté 100 000 € pour un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros, dit-il.Pour le même exercice fiscal, une succession de redressements nous a coûté bien plus. » Au final, le crédit d’impôt lui a servi tout juste à« préserver des emplois » et non à en créer. « J’ai cependant investi et embauché massivement avec des risques financiers pour faire face à la concurrence. »

Faire baisser les prix plutôt que recruter

Le constat est aussi mitigé du côté de la grande distribution, chez Système U, où, selon le groupe, le CICE a dû représenter environ 60 millions d’euros pour l’ensemble des 1 500 magasins. Un chiffre à rapporter aux 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

« Ce crédit d’impôt nous est d’abord apparu comme une opportunité pour embaucher et former, explique Serge Papin, le patron de Système U. Mais dans la conjoncture de déflation et de stagnation du pouvoir d’achat des Français, la grande distribution a été entraînée dans un cercle vicieux de guerre des prix et le CICE a été utilisé par toutes les enseignes pour faire baisser les prix des étiquettes et non pour recruter. »

Bertrand Caille, lui, est membre des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC) et dirige le groupe Caille SA, 245 salariés, spécialisé dans la logistique, le transport de marchandises et les déménagements. Ce patron reconnaît que le CICE équivaut à une « grande partie » de son résultat.

« Il faut un impact sur la fiche de paie »

« Cela nous a surtout permis de traverser cette crise économique difficile », dit-il, soulignant que le mécanisme fait certes baisser la part des salaires dans l’entreprise mais concerne surtout le fonctionnement annuel de l’entreprise « et non le quotidien ». « Si l’on veut avoir un impact sur le social, il faut un impact sur la fiche de paie », insiste Bertrand Caille.

Selon Mathieu Delobelle, président et cofondateur de Greenbureau, une startup spécialisée dans des solutions de relations clients, le CICE n’est pas adapté à ce type de structure. « Le crédit impôt recherche devrait nous rapporter 80 000 € au titre de 2013 et le CICE seulement 2 800 € »,dit le dirigeant qui évoque des réponses politiques à la crise « peu significatives, voire négative » pour les startups. « Elles tendent à décourager les investisseurs ou à limiter la flexibilité des salariés ou des stagiaires. »

« Nous privilégions les heures supplémentaires »

Avec environ 3 000 salariés et un CICE représentant pourtant 2,3 millions d’euros pour un résultat net de 4,2 millions d’euros, Guillaume Nusse, PDG de Clairefontaine-Rhodia, n’est pas plus convaincu.

« La somme est loin d’être négligeable mais reste insuffisante pour avoir une réelle influence sur notre compétitivité car elle ne change pas de manière structurelle nos prix de revient », affirme-t-il, même s’il considère que la mesure allait « dans la bonne direction ». Il ne la considère pas comme une aide à l’embauche adaptée à son entreprise.

« Nous avons une activité saisonnière et il est impossible de trouver bon un régleur de machine à papier à Pôle emploi. Nous privilégions donc les heures supplémentaires. L’allégement des charges sur ces dernières, décidé par Nicolas Sarkozy, était pour nous plus efficace. »

Diminuer les charges et augmenter les salaires

Plusieurs patrons estiment même que le CICE a surtout profité aux grands groupes. « Le tissu entrepreneurial français est composé à 98 % de sociétés de moins de 20 salariés, rappelle Guillaume Cairou. Ce sont elles qui créent des emplois et, en même temps, ce sont elles qui reçoivent le moins et qui font face à de plus en plus de pression fiscale. »

Les mesures supplémentaires inscrites dans le pacte de responsabilité sont-elles plus convaincantes aux yeux de ces patrons  ? « J’espère sincèrement que cela nous aidera, mais je doute que cela soit suffisant, dit Guillaume Nusse. L’idéal serait de parvenir à la fois à diminuer les charges et à augmenter les salaires des ouvriers. »

De son côté, Serge Papin dit espérer des baisses de charges conséquentes pour embaucher mais estime « qu’une politique économique efficace devrait se donner le temps d’étudier les mesures nécessaires secteur par secteur ».

Article paru sur La-croix