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Avec Hollande, «un principe de réalisme se met en place»

Avec Hollande, «un principe de réalisme se met en place»

Voilà bientôt un an que le gouvernement multiplie les petits gestes qui font plaisir à l’attention du patronat. Mais, comme parfois dans les histoires galantes, cet amour n’est pas vraiment payé en retour. Lors de l’université d’été du Medef, fin août, Pierre Moscovici était venu chanter la sérénade à ce public exigeant. On avait cherché, en vain, un signe de gratitude chez l’assistance. Au mieux, les présents donnaient acte au gouvernement d’intentions moins hostiles que prévu. Les plus audacieux allaient jusqu’à lui reconnaître une forme de bonne volonté : «Ce n’est pas vraiment plus dur d’être entrepreneur aujourd’hui que sous le précédent gouvernement», osait l’un.

«Un peu comme en 1983, on peut trouver qu’il y a une conversion de la gauche à l’entreprise, même si elle manque de franchise», jugeait un autre. «Ils ont pris un meilleur tournant que ne le laissaient supposer les premières décisions», accordait un dernier, enthousiaste par comparaison.

Tue-l’amour. Un patron, cela ne se laisse pas séduire aussi facilement. Les quelques bons points accordés ne le sont jamais sans de nombreuses réserves. La refiscalisation des heures supplémentaires, une réforme des retraites jugée timorée, les «charges» toujours trop élevées : autant de tue-l’amour.

En grattant bien, il s’en trouve pourtant pour accorder un timide satisfecit à l’équipe Ayrault. Président de la Confédération générale des PME, Jean-François Roubaud reconnaît sans difficultés «une véritable prise en compte de nos difficultés, une proximité nouvelle dans la recherche des solutions. Le climat change, l’écoute est sincère. Je crois qu’un principe de réalisme se met en place». L’intéressé sait de quoi il parle, ayant «passé toute la semaine dernière avec Moscovici[ministre de l’Economie, ndlr], Sapin [Travail], Cazeneuve [Budget] et Touraine[Affaires sociales]». Reste tout de même, confie-t-il, à «flexibiliser plus, à baisser le coût du travail dans l’année à venir».

Président de Dedienne Aerospace et vice-président du Medef, Jean-Claude Volot veut bien, lui aussi, distribuer quelques encouragements : «A Bercy, ils se payent des entrepreneurs tous les jours, ils voient la réalité. Hollande lui-même est foncièrement social-démocrate.» A sa suite, donc, «des ministres ont pris conscience des problèmes. Des gens comme Montebourg, Moscovici, Sapin comprennent bien nos sujets. Leur problème, c’est l’Assemblée, où la compréhension de l’économie est assez inégale. Mais, globalement, il y a une mutation. Si ça continue comme cela, dans cinq ans, on se sera rapproché».

Première grosse colère patronale du quinquennat, la crise des Pigeons aurait-elle précipité ce «réalisme» ? Après avoir augmenté la fiscalité sur les plus-values mobilières, le gouvernement s’était heurté aux jeunes entrepreneurs du numérique à l’automne 2012. Il prépare désormais le retour à un régime beaucoup plus avantageux pour ces derniers. Fabien Cohen, PDG de Whoozer et l’un des initiateurs du mouvement, juge que celui-ci «n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Tout est rentré dans l’ordre sur cette question, et les dernières propositions du gouvernement vont dans le bon sens».

Ingrats. Pour Jacques Mahul, PDG du groupe de hi-fi Focal-JMLab qui emploie 210 personnes en France, le quinquennat avait commencé dans l’angoisse. Mais le projet de budget 2014 l’incite à l’optimisme : «Il s’agit apparemment d’augmenter les impôts des particuliers, mais pas des entreprises. Cela semble une bonne approche, je me dis : « Tiens, enfin un signal. » Sarkozy et Hollande, c’est la même chose, en ce sens qu’ils tiennent encore à un modèle social obsolète. Mais Hollande, au moins, a pris la mesure du déficit public et s’attache à le diminuer.»

Même Guillaume Cairou, président du radical Club des entrepreneurs, constate«que le discours a clairement évolué». Oui, mais «le matraquage fiscal se poursuit, le coût du travail reste trop élevé, on stigmatise l’entreprise, on défiscalise les heures supplémentaires». Ce n’est pas facile, le réalisme. Quant aux patrons, ils sont ingrats ou bien stratèges : pourquoi sembler satisfaits quand on est si bien écouté ?